Présentation des ateliers


Atelier #1, les murs, Bozier. Présentation, textes.


Atelier #2, StreetView, Flaubert, Bergounioux, Hodasava. Présentation, textes.


Atelier #3, Lycée absent ? Graff. Présentation, textes.


Atelier #4, Le banal explose à la figure. Kaplan. Présentation, textes.


Toutes les consignes. On peut aussi naviguer via le nuage de mots-clés sur le côté…


ateliers donnés par Joachim Séné, au groupe "Littérature et société"

de Michel Brosseau, professeur de Lettres au Lycée Jacques Monod de Saint-Jean de Braye

printemps 2014

jeudi 22 mai 2014

Texte coupé

Mon écran était blanc mais j'allais commencer à écrire et puis juste à côté de moi je lis sur son écran et elle venait d'écrire la phrase que je voulais écrire. La même phrase exactement, les mêmes mots, avec même la virgule au même endroit. Du coup je n'ai rien écrit, je me sentais face à une expérience paranormale, démunie. Comment avait-elle pu écrire exactement les mots que je m'apprêtais à écrire ? Ceux que j'avais pensés, la même phrase. Comme si elle avait lu dans mes pensées. C'est ça, comme si elle était rentrée sous mon crâne, pour prendre ces mots, cette virgule, et le point, pour les photocopier, les copier, les couper, et ne me laissant sans rien. Je n'ai rien écrit. Je raconte ça à l'auteur qui donne les ateliers et tourne en rond au lieu d'écrire comme nous, il me dit qu'en fait j'en veux à ma voisine d'avoir écrit et pas moi, et que je dois m'en vouloir un peu. Ça m'a frappé, ce qu'il a dit, parce que c'était complètement à côté de la plaque. Il n'avait rien compris et ça rajoutait à l'injustice. Oui, c'est ça, l'injustice. Ces mots étaient à moi, elle m'avait plagiée et je ne pouvais rien prouver. Elle m'avait plagiée, personne ne pouvait me croire et il fallait que je me débrouille avec ça. Je n'ai rien écrit, j'étais démunie, et comment expliquer ça ? J'étais furieuse, en colère, l'envie de tout casser que provoque l'injustice. Mais bien sûr je n'ai pas bougée, je n'ai rien dit, je n'ai rien écrit, voilà tout. 

Je suis rentrée à la maison avec ma colère mais je n'ai rien oublié, surtout pas les mots qu'elle m'avait pris. Je lui en voulais de les avoir écrit bien sûr mais ça n'avait rien à voir. En fait je ne lui en voulait pas. Ce n'était pas ça. La colère, l'injustice, voilà, mais qu'est-ce que ça veut dire, être en colère ? Comment faire comprendre qu'il y a une injustice à quelqu'un qui ne la ressent pas dans sa chair ? Il m'a tout d'un coup semblé que la violence du monde, le pouvoir et sa violence, l'injustice généralisée, mondiale, que tout ce qui meurt partout dans le monde, proche ou lointain, tenait là-dessus, et donc moi aussi, ma peine d'être au monde, sur cette impossibilité pour quelqu'un d'extérieur de comprendre celui qui souffre en-dedans. 


JS

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